Quinze heures, trente trois minutes, et vingt-huit secondes.

Dans les corridors, James déambule de son pas pressé. Le temps, le temps. Comme s'il en manquait. Et peut-être est-ce effectivement le cas : le chrono est en marche, et il n'a que la durée de sa vie pour accomplir la mission dont Il l'a chargé. C'est court, si court. Et il lui reste tant à faire.. Mais pour avancer, il lui faut être organisé. Rationnel. À l'écoute de ce qui se dit, des bruits de couloirs qui hantent les conversations. Après tout, il n'y a pas de fumée sans feu, et chaque rumeur peut-être un signe qu'Il lui envoie pour l'aider dans sa quête. Il faut juste garder la foi, rester attentif aux signes.

Nerveusement, presque par réflexe, James consulte sa montre à gousset. Quinze heures, quarante deux minutes et trois secondes. Il arrive bientôt à destination : la cellule d'une détenue aliénée dont il a entendu parler. Aliénée.. James n'aime pas ce mot. C'est réducteur, et si hautain pour les personnes concernées. Aliéné, ça sonne comme une condamnation passive, comme une destinée fataliste à laquelle on n'échappe pas. Or, rien n'est définitif ici-bas : le véritable salut est auprès du Seigneur, et Il peut guérir toute chose, libérer chaque personne. Il suffit d'y croire, il suffit de le vouloir pour être aimé de Lui. Les "aliénés" croient-ils ? Et pourquoi pas ? Même eux sont enfants du Seigneur, même eux sont aimés de celui-ci. Peut-être surtout eux, dans leur folle simplicité, qui sait.

Quinze heures, quarante quatre minutes, cinquante huit seconde. Voilà, il y est.

“ Miss Âkerfeldt ? ”

James toque à la porte. Il la sait ouverte, il sait avoir de quoi l'ouvrir si ce n'est pas le cas.. Mais non. James est civilisé, James est respecteux, James ne veut pas entrer comme un sauvage dans l'antre d'une autre personne si potentiellement sataniste soit-elle. Car c'est ce qui mène le prêtre ici : confirmer ou infirmer les théories comme quoi la jeune femme serait possédée, ou.. Ou quoi ? Tant de choses possibles. Et il lui faudra démêler le faux du vrai dans tous cela, autant que possible. Doucement, l'homme de foi ouvre la porte et scrute l'intérieur de la pièce.. Qui est aussi misérable que les autres cellules, même lui doit l'admettre. Faisant un pas en avant, il lâche la poignée pour joindre ses mains devant lui dans un geste appris au Séminaire et qui est devenu une habitude.

“ Miss Âkerfeldt, je suis James Primwald. Le prêtre de Ravenswood. J'aimerais vous parler. ”

Et même s'il respire la sérénité, même si en apparence James est le plus paisible des hommes.. Il est à l'affut du Démon et guette une de ses apparitions, un de ses signes caractéristiques.