Plac Plic Ploc. Dehors, le ciel crache son fiel et inonde d'amertume les ruelles grises et désertes. Personne n'est assez fou pour tenter d'endiguer ce chagrin envahissant. Tout le monde se cache. Comme c'est agréable de se savoir tranquillement au sec. Comme c'est douillet de ne pas souffrir la même peine que cette Nature qui dégouline à tout va. Seul dans son atelier, un homme semble plein d'empathie pour ces nuages inconsolables. Pensif, il scrute son horizon de toile et de peinture, cherche à y rendre l'humeur d'orage qui imprègne l'air. Plac plic ploc. Les gouttes de couleurs imprègnent la toile de leur éclat superbe et terne à la fois. Comment reproduire ce spectacle diluvien ? Les nuages s'affrontent, s'embrassent, s'asphyxient. Tout vit, rien ne bouge. Patient, le peintre se concentre. Recommence encore et encore. C'est une course contre la montre, contre la pluie, contre la peinture inerte qui sèche trop vite. Comme c'est étrange de vouloir peindre l'humide avec des pigments secs. Chaque coup d'œil vers son modèle est l'occasion d'un nouveau bilan. Il faut noter les nouveaux reliefs, ces teintes éphémères et pourtant éternelles que l'on retrouve à chaque orage, sans jamais vraiment les reconnaitre tout à fait. Il manque... Quoi ? Vite ! L'ouvrage n'est pas fini mais la déchirure semble déjà s'apaiser. Tout a une fin, la douleur aussi. Désespéré de ne pouvoir saisir l'instant, l'homme se crispe. Plus rien n'existe. Plus rien sauf son carré de toile qui semble condamné à rester sans vie. Triste. Inconsistant. Fatigué de chercher une erreur invisible, le peintre s'abandonne au spectacle grandiose qu'il voulait emprisonner à la force du pigment. Soudain, son regard s'anime. Plac plic ploc. Ses mains fébriles chargent le pinceau et arrêtent le temps pour poser la note qui complète la scène. Et là, fasciné, l'homme reste hypnotisé. Autour, le ciel est bleu. Apaisé à nouveau. Ce tableau est une nouvelle fenêtre sur le passé, un regard vivant de l'instant capturé.