Phill le matin, c'est avant tout une crinière en vrac. On croirait assister à une véritable explosion tant les mèches écarlates partent dans tous les sens et embrasent la tête endormie de leur propriétaire. Gueule léthargique et franchement bougonne, son instinct de survie lui hurle de pulvériser le premier clampin qui ramènera sa fraise devant lui. Ami, ennemi, tout cela n'est que détail : pignouf = chieur. Le message est clair : pas faire chier. Si vous voulez communiquer avec le Phill sauvage, attendez qu'il ai bu au moins la première de ses trois tasses de café corsé, sans quoi vous n'obtiendrez que regards noirs et grondement de mauvais augure. Ceci dit, si vous avez soif d'action, alors titillez le à ce moment là précisément. Il réagira au quart de tour, c'est certain. Un peu trop, même.

Après le café, le rouge se transforme et devient capable de sourire. La première tasse le rend neutre, et la seconde lui redonne la capacité de sourire. La troisième et dernier tasse quant à elle, achève le travail en lui restituant sa bienveillance habituelle et sa sociabilité. On ne vantera jamais assez les mérites miraculeux de la caféine.

Phill a visage humain, maintenant. Il est réveillé, douché, coiffé et prêt au départ. Pourtant, malgré le rituel qui généralement suffit à lui donner sa sérénité habituelle, le quasi trentenaire n'est pas aussi tranquille que d'habitude. Il a un rendez vous, aujourd'hui. Pas vraiment un rencard, non, pas vraiment avec de l'enjeu sentimentale. Manquerait plus que ça, tient. Qu'il stress pour ça. Non, là, c'est professionnel, et il se demande un peu ce que ça va donner. Il doit passer un entretien pour intégrer une nouvelle prison, être muté.. Mais il semblerait qu'il y ai un entretient préalable. Hors, le gardien ne sait pas s'il s'agit d'un entretien pour le sonder et décider de s'il a sa place à la prison saint James, ou si c'est une simple formalité pour mieux le cerner. Son chef actuel n'a pas pu vraiment l'aider, ou alors il a eu la flemme d'expliquer. Ou bien, dernière solution qui est fort probable aussi, Phill a totalement zappé ce qu'il en était réellement. Boarf, il verra bien. Dans les deux cas, faut pas qu'il joue au con. Pas besoin de se titiller les neurones pour le reste.

Phill achève de se préparer, se cogne évidemment le coude contre le chambranle de la porte qu'il se prend à chaque fois. Bordel, il va franchement finir par le raboter, celui-là. Le plus simple serait que ce soit lui qui révalue les distances, mais osef. Raboter l’hôtel, c'est plus funky. Parce que oui, en prime il n'est pas chez lui. Vous pensiez quoi, qu'il allait abandonner sa bécane ? Kedal mes cocos ! Il a tout fait en roulant ! Il bosse pas mal en temps normal, alors il a profité de l'occasion pour demander un congé de dix jours. Le rouge a bien prévu son coup, et en a pour huit grosses journées de routes aller retour. Le grand road trip lui manquaient, et il avait l'impression de s'encrasser dans son coin à juste faire moto boulot dodo.. Voilà l'occasion rêvé de prendre un peu l'air ! Et conduire huit heures pas jour n'est pas vraiment pour lui faire peur.. Au contraire ! C'est comme un retour aux sources. Alors il a pris son casque est es affaires, et a fait les 1 929 miles sur sa Harley. Le voyage lui a fait traverser l'Oregon, l'Idaho, l'Utah, un petit bout du Colorado et une bonne partie du Nouveau Mexique avant d'arriver à destination. Yay, ça fait voir du pays tout ça ! Du coup il est arrivé hier soir et s'est pris une petite chambre dans un hôtel, histoire d'être bien frais pour le rendez vous.

Enfin, frais.. Façon de parler parce que franchement, le climat est vachement plus radical par ici ! Bonjour la fournaise ! Pas que Seattle soit polaire non plus, mais en comparaison de la chaleur qui règne ici, Phill a l'impression que n'importe quel endroit semblerait plus frais en comparaison, même l'intérieur d'un four en marche. Mais s'il reste dans le secteur, va falloir qu'il s'y fasse, y a pas à dire.. Bonjour la facture d'eau, avec toutes les douches fraîches qu'il va prendre pour tenir le coup. Bah, on s'habitue à tout, parait-il..

Il est temps de partir, et le rouge enfile sa veste en cuir avant de saisir au passage son casque. C'est largement trop tôt pour aller directement à St James, mais il voudrait nettoyer sa bécane au passage. Heh : il l'aime, son bébé. Et il en prend soin ! Un peu trop, dirait son ex : faire des crises de jalousies face à une foutue machine qui roule, avouez que c'est un comble ! Phill se met en route, et après le petit passage bichonnage de sa moto, il arrive enfin à destination : la fameuse prison Saint James. Le bâtiment est sans équivoque : il ne se rend évidemment pas à une fête foraine ou à un salon de thé.

Sachant qu'il est attendu, l'homme ne rencontre aucun problème particulier pour rentrer. Les procédures sont partout les même, après tout. Le motard gare amoureusement sa bécane à l’abri et prend soin de la cadenasser avec son casque avant de s'éloigner et de se diriger vers l'intérieur du bâtiment. Il ne sait pas trop où il est censé se rendre, à vrai dire. Mais le roux suppose en s’ébouriffant la tignasse pour lui rendre forme que ce sera dans la section administrative qu'on lui indiquera quoi faire..

Bordel, il est plus habitué à ce genre de circonstances, lui. Est-ce qu'on demande à un pingouin de s'orienter sur une nouvelle banquise sans lui laisser un temps d’adaptation ?