Graham, il a cette réputation d'ours grincheux qui lui colle à la peau. Graham, il a ces habitudes d'éternel solitaire qui ne partiront jamais.

Graham il a cette grande bouteille de Penderyn qui est déja trop exsangue pour qu'il la laisse s'échapper. Ca fait deux soirs qu'elle profite d'un sursis. Toutes choses ont une fin, surtout les bonnes. Surtout ce genre là.

Affalé sur son canapé, l'ours profite de la bouteille. Flemme d'aller chercher un verre, flemme aussi de se redresser prendre le sien. La bouteille monte paresseusement à ses lèvres et il la finit.. Trop rapidement à son goût. Trop trop. Un dernier regard nostalgique à cette chère carcasse de verre, et la bouteille roule au sol tristement. Il l'aimait. Elle lui manque déjà.

Loong soupire. Une large paluche vient ébourriffer la crinière déjà hirsute, et le voilà qui se lève. Manger. Ce serait bien de manger. Avec un grognement lassé, l'ours ouvre le frigo. Mais à part quelques bières solitaires, c'est encore plus désert que l'Antarctique. Faich. Lourd soupire encore une fois, la porte claque mollement et les placards se font inspecter. Et le résultat est moche. Y a quoi ? Un vieux paquets de crackers périmé et des condiments. C'est la crise, mes braves gens, c'est la crise.

- Putain de bordel de merde. 'Chier.

Ca, c'est parce qu'il vient d'arriver à la terrible conclusion qu'il faut faire des courses. A cette heure tardive, si si. Tesco est ton ami, et c'est ouvert toute la nuit. Brave Tesco, Tesco poto. On va aller lui rendre visite, hein, ouais ? Ouais. Il faut. En plus, y a plus de Penderyn. Ni des masses de clopes.

Allez, c'est blouson ! Plof, le portefeuille atterrit de force dans la poche revolver, et les clefs roulent dans sa paume calleuse. La porte claque sèchement derrière lui, le jeu du verrou se fait entendre quand il verrouille. Faich. Pas envie de faire des courses. Ses pognes dans les poches, Graham a sa tête quotidienne, c'est-à-dire celle des mauvais jours. Mais y a un soupçon de Penderyn aussi, de celle qui pourrait pousser à être moins vindicatif parce que c'est fatiguant. Qui sait. Il s'en fout, Graham, il marche. Ses talons tonnent sourdement dans le couloir désert alors qu'il déplace sa carcasse avec la légerté d'un tank russe. Pourquoi russe ? Aucune idée. Mais ça doit être lourd quand même. Et il est lourd, Graham, c'est pas un poids plume. Pas vraiment.

C'est pour ça que quand un type lui rentre dedans, il accuse le choc sans trop bronche. En tout cas physiquement, il encaisse. Côté humeur, ça vire de la grisaille au début d'orage, et ça se voit à sa gueule. Son menton mal rasé se redresse, et un grognement sourd de mauvais augure se fait entendre. En face, un gamin. Il fout quoi, là ? Va savoir. Il a rien à foutre là. Il a pas à être pied nu non plus. Ni sapé comme ça ni.. On s'en fout, il à pas à être là. D'ailleurs, il le lui dit.

- Qu'est-ce tu fous là, gamin ?

C'est grave et ça roule comme un début d'orage quand il cause. Va savoir, c'est peut-être esquivable. Peut-être. Mais ouais, il a vu ta gueule pâlotte. Ses sourcils se froncent, et il te cherche dans son répertoire de merdeux chroniques.

- .. Alen ? Truc comme ça ?

Alen, alien.. Va savoir. Il se cale bien, le Graham. Bien devant toi. Pour l'instant, il t'a pas attrapé ni rien. Mais il te bloque clairement le passage. Graham ne te lâchera pas avant d'être satisfait.. Ou avant de se lasser. Parce que merde. Faim. Va savoir ce qui l'emportera.